Flora Etienne et Nina Merle, du magazine MediaBask, m'ont contactés pour une interview sur la lutte contre le cancer.
Cancer du sein, une bataille du corps et de l’esprit
Pour faciliter la vie des malades du cancer du sein et celle de leurs proches, nombre d’associations ont vu le jour au Pays Basque. Sport, activités de bien-être, rencontres, cours de cuisine, tatouage, ou encore yoga, les possibilités ne manquent pas.
Le cancer du sein est la première cause de décès par cancer chez la femme et la tumeur maligne la plus fréquente. En 2023, 61214 nouveaux cas ont été diagnostiqués dans l’Hexagone. Détecté précocement, neuf femmes sur dix en guérissent chaque année. Un rétablissement qui, scientifiquement, ne s’explique pas uniquement par les traitements curatifs. Pour répondre aussi bien au coût (ou coup) physique, psychique, social que financier porté par la maladie, les soins de support s’avèrent indispensables dans l’accompagnement des patientes.
D’après un sondage mené par Ipsos pour la Ligue contre le cancer, l’accès aux soins de support reste très inégal. Un renoncement qui s’explique par une inaccessibilité géographique, économique et un manque d’information. Pour faciliter l’accès à ces soins, de nombreuses initiatives ont vu le jour au Pays Basque. Prise en charge partielle ou totale et centralisation physique de l’offre comme de l’information représentent les avantages offerts par les associations. Octobre rose est pour elles autant l’occasion de sensibiliser au dépistage que de récolter des fonds. Avant d’être une malade, une patiente est avant tout une femme dont l’état psychologique doit être choyé afin de “mieux vivre” cette traversée du désert. Partie intégrante du parcours de soins, les soins de support offrent une prise en charge globale par une approche non médicamenteuse de la maladie.
Localement, de nombreuses associations assurent cette fonction auprès de personnes atteintes du cancer et de leurs proches. Partis du constat que peu de choses étaient mises en place dans la région pour accompagner les femmes “autrement”, différents organismes ont fleuri sur le territoire. “Les soins de support sont pluriels et dépendent des besoins des patientes.” L’isolement est l’une des principales conséquences du cancer. Le rompre par la parole s’avère une grande aide pour les patientes. L’association Nesk’à paillettes, qui agit autour d’Urrugne, accorde une importance particulière à ses cafés-rencontres hebdomadaires, intitulés Nesk’à pipelettes. Accompagnées d’un professionnel, elles abordent chaque semaine un sujet qui les touche.
“évasion psychologique”
Au cours de sa lutte contre le cancer, Sylvie Houliere Mayca a été confrontée à l’isolement, la difficulté de s’informer et a constaté l’inégal accès à ces soins. À Saint-Pée, elle a créé Goxa Leku, un établissement non médicalisé assurant des ateliers destinés à libérer cette parole. Lieu d’accompagnement pour les personnes atteintes du cancer et leurs aidants, on y parle très peu de la maladie, mais davantage des peurs et des inquiétudes qui lui sont consécutives. Proposant un large panel de soins de support, moyennant une adhésion de 30 euros, ces derniers sont entièrement gratuits. Zaindu prendre soin, Garazi en rose, Nesk’à paillettes, toutes ces associations fonctionnent plus ou moins sur le même modèle.
Cyrielle Alçugarat, présidente de l’association Battements d’elles, implantée à Bayonne, s’est aussi donné pour mission d’offrir des “évasions psychologiques” aux femmes. Destinées à leur redonner le goût de la vie et le plaisir de la rencontre, hors milieu médical, ces activités non thérapeutiques ont vocation à aider les femmes à se sentir pleinement “vivantes”. Théâtre, concerts, visites, thalassos… La liste des “parenthèses” proposées par l’association, qui se présente comme une complémentarité aux soins est longue. “L’idée est avant tout de les sortir de leur quotidien où elles sont sans cesse assignées au rang de malades”, explique la présidente.
Conséquence moins évidente du cancer, la désinsertion professionnelle toucherait une femme sur cinq dans les cinq ans qui suivent le diagnostic. Impact sur les capacités physiques, perte d’intérêt ou encore mise au placard rendent difficile le retour à l’emploi. Mélanie Driollet organise des ateliers chez Goxa Leku pour les accompagner dans leur parcours. “Au cours de ces ateliers, nous anticipons le retour à l’emploi pour qu’il se fasse en douceur. Le physique comme le psychique ont besoin d’être réhabitués à travailler après une période d’inactivité”, explique la conseillère en orientation professionnelle. En complément, la maison senpertar développe actuellement un accompagnement destiné aux entreprises pour agir aussi de l’autre côté de la barrière.
Soulager le corps
Vivantes, actives, les femmes qui luttent contre le cancer ont besoin de se l’entendre dire pour s’en convaincre. Le corps médical préconise le maintien d’une activité physique adaptée pour mieux supporter les douleurs liées à la prise de traitements chimiques. Sans promettre monts et merveilles, les différentes associations locales certifient l’efficacité du sport dans le traitement contre le cancer. Gain en motivation, forme physique retrouvée et qualité de vie ne représentent qu’une infime part des nombreux bienfaits mis en avant par les intervenants.
L’association Miralutz, installée depuis peu à Mauléon, offre des cours de sports adaptés. Randonnées pédestres, yoga, gym sont ainsi proposés aux volontaires atteints de tous types cancers désireux de pratiquer une activité physique en douceur, adaptée à leurs besoins et en suivant leur rythme. Nicolas Aristouy, président de l’association, met un point d’honneur à la “bienveillance et au bien être” des malades. “L’idée c’est de les accompagner dans le sport tout en respectant leur psychologie et leur état de forme. Pas de culpabilité. On leur apprend à écouter leur corps.”
Des séances de sophrologie, acupuncture, réflexologie et ostéopathie sont aussi proposées par des professionnels. Pour Denise Doray, présidente de Nesk’à paillettes, ces soins permettent “d’améliorer le confort de vie des patientes, essentiel dans un parcours où les traitements sont lourds”. Ces soins de support ont fait leurs preuves notamment dans la diminution des effets secondaires des traitements : nausées, troubles digestifs, fatigue psychologique. Pour Stéphanie Lacassagne, sexologue intervenant pour Nesk’à paillettes, Garazi en rose ou encore la Ligue contre le cancer, le plaisir sexuel peut également participer à calmer les douleurs physiques comme mentales grâce aux fonctions anxyolitiques et antalgiques libérées par l’ocytocine et les endorphines.
Accepter les changements
Dépistage, diagnostic, traitement, au cours de son parcours de soin, une femme passe de mains en mains. Perte d’intimité, sentiment d’être dépossédée et d’être définie par la maladie peuvent dérouter. Les soins de support aident à se réapproprier ce corps menaçant et à retrouver un rapport sain à un sein qui ne l’est plus. Christine Gil, esthéticienne chez Dermoformation à Bayonne, propose de retrouver une esthétique similaire à son ancien corps grâce au maquillage réparateur, procédé qui permet de recréer des aréoles mammaires ou bien de compenser la perte de sourcils. “Le tatouage est fait pour réparer, l’âme comme le corps”, explique Yahell Tattoo, installée à Anglet. Avec un avis médical, une femme peut aussi recouvrir ou sublimer les stigmates de sa maladie.
La jeune femme fait partie de l’association Sœurs d’encre, spécialisée dans le tatouage artistique de reconstruction post-cancer du sein. “Cela faisait longtemps que j’avais envie de tatouer ce type de peau mais j’appréhendais. Grâce à l’association, j’ai sauté le pas. Être en lien avec des spécialistes qui nous renseignent sur les précautions à prendre est aussi rassurant pour moi que pour la cliente”, confie-t-elle.
La maladie impacte la patiente dans tout son être et réinterroge sa place dans la société. Elle altère la confiance en soi et entraîne un malaise avec le corps, devenu corps étranger. Par l’écoute et le toucher pour un mieux-être, la socio-esthétique accompagne les femmes vers la réconciliation avec ce corps fragilisé. Les différentes associations, telles que Garazi en rose et Nesk’à paillettes, proposent des soins procurés par des socio-esthéticiennes : massage, épilation, soins du visage, modelages... Elles interviennent auprès des patientes en fonction de leurs besoins. Bienveillance, écoute, le soin esthétique est un moment de détente doté d’une dimension psycho-sociale essentielle : il aide les femmes à se réapproprier leur corps et à renforcer leur estime de soi.
Asymétrie, atrophie, hypertrophie, ablation, le combat contre le cancer a pour conséquence d’écarter le sein des injonctions esthétiques dominantes. Pouvant déformer le regard porté sur soi, impacter la libido ou encore assécher les muqueuses, la sexualité se retrouve parfois affectée par la maladie et ses traitements. Selon Stéphanie Lacassagne, elle reste un sujet tabou, notamment chez les professionnels de santé. “Souvent, les soignants attendent que les patients leur parlent de leur vie intime, alors qu’eux-mêmes attendent que les médecins les questionnent à ce sujet”, explique-t-elle. La sexologue accompagne les femmes qui le souhaitent à adapter leur sexualité. “Certaines femmes se sentent vivantes en ayant une sexualité. C’est une pulsion de vie contre une pulsion de mort.”